En dynamique émotionnelle, lorsque nous recevons un patient certaines étapes sont observées en tenant compte des besoins de la personne qui consulte pour une thérapie : besoin d’être comprise et acceptée avec ses spécificités et son rythme ; le travail thérapeutique suivra un cheminement qui, bien que défini en 5 étapes spécifiques, pourra passer incessamment de l’une à l’autre, en allers-retours ou simultanéités.
Au fur et à mesure du travail le patient prendra conscience que ses manques se rejouent au présent, dans les relations actuelles, et que les relations mises en places avec les autres ne sont souvent que des moyens de substitution ou des tentatives de compensation de ce que l’on n’a pas eu. L’autre est perçu, vu, compris à travers les lunettes de notre vécu et de ce qu’il nous rappelle de notre histoire, et non pas comme un autre différent de Soi. Nous essayons d’obtenir de lui ce que nous n’avons pas reçu, enfant. Cependant, espérer que nos manques pourraient être comblés est une gageure. Le but dans ce travail de thérapie n’est pas de chercher à combler ce qui n’a pas été reçu ou vécu, mais de permettre au sujet de vivre et de se sentir être, avec les manques qui font partie de son histoire et de sa richesse singulière: aimer le manque, cela peut paraitre un challenge audacieux, mais si nous n’acceptons pas ce qui a été, l’espoir et l’illusion que nous pourrions combler le passé nous entrave et entrave nos potentiels de libération. La deuxième étape est donc d’accepter le manque et de reconnaitre que nous tentons de le compenser dans nos relations actuelles.
La troisième étape amène à comprendre que c’est cet espoir qui nous a sauvé, enfant, alors que nous n’avions pas d’autre défense face à l’état de dépendance dans lequel nous étions, démunis devant la toute-puissance des parents et adultes. Cet espoir nous a sauvé mais aujourd’hui il entrave notre vie et nous emprisonne dans le passé. Il va donc falloir se défaire progressivement de cet espoir pour accepter notre solitude et notre liberté. Le manque ne peut jamais être comblé parce que ce que nous n’avons pas eu, nous ne l’avons pas eu ! Cela semble être une tautologie mais à s’y pencher de près, c’est d’une logique irréfutable : le pain que vous n’avez pas mangé jadis vous ne le mangerez jamais ; cependant aujourd’hui vous avez le choix d’en déguster autant que vous vous en voulez et de riches variétés…ou de le rejeter parce que ce n’est pas celui que vous vouliez ! Le chemin de libération passe par le lâcher de l’espoir qui va nous permettre d’aller de l’avant…
La quatrième étape consiste à pratiquer le moi d’abord, c’est à dire à apprendre à se choisir, à se faire passer avant les autres, non pas qu’il s’agisse de les nier, mais de tenir compte du fait que si nous ne nous donnons pas à nous même, si nous ne nous choisissons pas, ce que nous faisons pour les autres nous vide de notre substance, nous amène à des positions d’effacement de soi, de sacrifice, etc. Être en relation avec l’autre ne peut se vivre qu’en étant soi-même dans complétude du sentiment d’Etre : si nous faisons passer l’autre devant nous, ou sommes-nous donc ? Que nous reste-t-il ?
L’image du tonneau des Danaïdes condamnées à remplir sans fin un tonneau percé est parlante : remplissez le vôtre d’amour avant de remplir celui de l’autre, (qui de toutes façons ne peut être rempli que par lui-même), ainsi l’amour coulera vers les autres lorsque vous serez plein d’amour pour vous, au lieu de vous vider. Car donner sans se donner à soi, donner en s’oubliant, c’est un vidage psychique, un manque d’amour pour soi. La question que nous pouvons nous poser est que si c’est d’abord l’autre, que payons-nous en réalité ?
Ce travail permet de construire le bon père et la bonne mère en soi : ainsi vous serez réellement comblé, car plein de vous-même, ce qui est le contraire de combler du vide par du vide !
La cinquième étape consistera à se pardonner : se pardonner de ce que l’on a vécu, de notre état de dépendance, de n’avoir pas pu “y arriver”, de n’avoir pas fait le chemin avant (alors que nous ne pouvions pas !) et à nous aimer. Apprendre à nous aimer c’est regarder notre histoire, aussi difficile et dure ait-t-elle été, c’est regarder l’enfant en nous qui n’y arrivait pas, sans reproche et sans jugements de valeur, mais avec amour d’en avoir été là, de s’être senti démuni et d’avoir souffert. Construire le bon parent intérieur c’est accepter avec amour l’impuissance vécue et se pardonner. C’est intégrer que nous somme parfaitement imparfaits tels que nous nous sommes.
Ce ne sera que lorsque nous nous pardonnerons que nous pourrons pardonner à l’autre… Pas le contraire