Thérapie émotionnelle

Dynamique Emotionnelle Exprimée, thérapie de groupe et individuelle – Paris, Lyon

Comment se libérer de la culpabilité avec thérapie des émotions ?

Cas clinique : Michel

Nous recevons Michel 29 ans, adressé par son employeur qui connait la DEE. Son approche est directe toutefois marquée par un certain retrait, une angoisse visible et beaucoup de nervosité. C’est un homme assez grand, imposant par sa corpulence. Il est bien soigné.

En entrant dans le bureau il annonce directement qu’il vient parce que son employeur le lui a conseillé, qu’il a eu des dépressions dans le passé et qu’il ne sait pas pourquoi « il ne sent rien ». Il en souffre. Il est conscient d’une perte pour lui.

Son angoisse est prégnante, massive ; la tristesse profonde m’est transmise par une forme de vide de l’être, une projection introjective de ce patient « comme si » il me montrait quelque chose qu’il n’était pas…

Il parle de sa fatigue constante, qui prend beaucoup de place.

Vois un aperçu de son histoire.

Sa mère a 26 ans lorsqu’elle rencontre son père. Ils vivront ensemble, auront deux enfants de cinq ans d’écart. Peu de temps après sa naissance son père, grand anxieux, commence à s’adonner à l’alcool, devient agressif, voire violent. Sa mère finit par le quitter, part vivre avec ses deux fils chez sa mère, dans le Limousin. Cependant elle digère mal la rupture. Elle se sent « seule », laisse à sa mère le soin des enfants. De plus en plus dépressive, elle se désintéresse de ses taches maternelles et de ses enfants.Ceux-ci s supportent mal la double perte qui se joue, d’une part de par l’effacement du père et d’autre part, dans la présence bancale d’une mère “devenue” absente psychiquement.

Les deux garçons ne s’entendent pas jusqu’à l’âge adulte, une jalousie latente et constante habite Michel. Elle se révèle en séance émotionnelle lorsqu’il parle de son frère  avec une moue dédaigneuse, méprisante. Les griefs sont nombreux envers lui. A l’entendre, son frère est responsable de tous ses maux. Il le détestait ‘tout en l‘aimant quand même’, me dit-t-il.

A son adolescent celui-ci se suicide. C’est un coup dur pour Michel qui se mure dans un retrait silencieux, n’exprimant rien de qu’il ressent : « personne à qui parler et pour quoi faire ? » dit-il. Il quitter le foyer un an plus tard sans même dire au revoir à sa mère qu’il méprise. A 24 ans, Michel passe son brevet de technicien réseau, comme son père avant lui puis est embauché comme conducteur de travaux dans une entreprise de construction.  S’ensuit une série de dépressions sévères qui le verront hospitalisé pour des tentatives de suicide, dont certaines graves.

Aujourd’hui à 29 ans, il est célibataire, n’est intéressé ni par la sexualité ni par une vie de famille. Quelques amitiés féminines parcourent sa route mais le laissent cependant froid. Il ne voit jamais sa mère, ça ne l’intéresse pas même s’il souffre de son manque d’amour.

Que se passe-t-il pour Michel ?

Quels mécanismes archaïques, bien en deçà des constructions œdipiennes, ont pu agir sur la formation du moi du nourrisson à la suite de ces événements ? Et pourquoi postuler qu’il s’agit d’évènements préœdipiens ?

La dépression maternelle dans les premiers mois de l’enfance semble l’avoir profondément marqué. Il se souvient d’une mère constamment assombrie. Il a longtemps cru que c’était à cause de lui qu’elle allait mal et elle ne l’a jamais démenti.

Le maternage, les interactions avec le bébé, les échanges qui permettent l’élaboration des émotions, des sentiments, de la pensée, la façon de le porter, de le manipuler, d’être une mère « bonne suffisamment »[1], ne semble pas avoir aboutis, n’avoir pas procurés les bases qui auraient permis à l’enfant de s’appuyer sur des ressources psychique et émotionnelle stables et ainsi poursuivre son développement malgré la carence maternelle.

La présence défaillante dans la position qu’elle aurait dû occuper, de pare-excitation[2], l’impossibilité pour le bébé d’accéder à la position dépressive[3]-de l’élaborer, qui aurait dû permettre la séparation psychique du nourrisson d’avec son objet, freine au passage la capacité de l’enfant de tourner ses investissements vers le monde extérieur, d’intégrer les tiers.

L’envie de détruire ses objets intériorisés effleure chacun des apports qu’il nous fait en séance alors même qu’il parle de l’amour qu’il a toujours eu pour eux « quand même » Le ton n’est pas toujours syntone avec les sentiments exprimés.

Michel qui a très peu connu son père, le rencontrant à l’occasion d’anniversaires ou de fêtes de fin d’années, s’en est fait une image idéalisée. Mais également se perçoit une idéalisation excessive envers le frère qu’il jalousait.

Au fur et à mesure des séances nous percevons des sentiments massifs de culpabilité qui l’empêchent d’accéder à ses sentiments qui lui apparaissent comme négatifs, pourtant visibles comme la haine et la colère.

L’angoisse est quasi constante.

Elle pose la question d’une peur derrière le désir de détruire ses objets.

S’il y a eu déficience de l’objet, cette défaillance pourrait-elle avoir été perçue et intégrée comme réalisation de ses fantasmes ? L’équation serait la suivante : S’il n’aime pas sa mère c’est parce qu’elle a disparue, et elle a disparu parce qu’il ne l’aimait pas. Ce qui le rend « coupable », est-il persuadé,  sans percevoir que ce sentiment de culpabilité le protège peut être de l’effondrement. D’ailleurs la mort du frère n’a-t-elle pas été causée par la force de son désir ?

Les sentiments ambivalents d’amour et de haine, manifestes envers eux sont patents. C’est dire l’angoisse qui pourrait avoir émergée de la réalisation hallucinatoire du désir inconscient de les détruire, et entrainerait douleurs morales et auto reproches, attaques contre lui-même.

Si son désir peut tuer, imaginons l’impasse dans laquelle il se trouve : incapacité pour le Moi d’accepter quelque pensée agressive que ce soit sans danger potentiel. Le voilà confiné dans un espace qui se voudrait neutre, clivé, toute émotion étant à rejeter sous peine de réalisation destructrice.

Paradoxalement, la culpabilité le protège, me semble-t-il, du sentiment abyssal de vide qui pourrait l’emporter à comprendre soudainement qu’il n’y était absolument pour rien dans ce qu’il subissait de sa vie, à comprendre qu’il n’y a pas de sens là où il cherche à en mettre en se rendant coupable…

Comment allons-nous aider ce patient en Dynamique émotionnelles ?

La DEE postule, je le rappelle, de partir de l’existant dans le traitement d’un patient pour lui permettre, au fur et à mesure de son avancée, de comprendre que les relations qu’il rejoue dans le présent sont des réactualisations de positions relationnelles anciennes ; ses positions lui ont sauvé la vie même si aujourd’hui il en vient à consulter parce qu’elles grèvent sa vie et son mental.

Ce qu’il a tendance à nous dire régulièrement c’est qu’il s’en veut de la mort de son frère. Il ne sait pas pourquoi mais il s’en veut… Nous lui proposons « Je suis triste que tu sois parti Pierre, mais j’y pouvais rien ». Les deux propositions sont associées dans le mantra pour d’une part, lui permettre d’exprimer la tristesse qui n’a jamais été partagée, d’autre part alléger le poids de la culpabilité, de le recentrer sur lui.

Michel s’en empare de par le soulagement, peut-être encore inconscient que ces signifiants véhiculent. Il les répète, s’entend les répéter et les répétant, il les intègre comme signifiés qui modifient sa position intérieure.

Ceci n’est qu’un des exemples du travail qui sera fait. Nous poursuivrons par des variations allant du « Je n’y pouvais rien, ce n’est pas de ma faute » à « c’est moi d’abord ».

Arrive un point ou un palier psychique est franchi qui lui permet d’accéder aux ressentis qui affleurent à la conscience : le patient nous parle de sa colère devant les faits qu’il considérait comme de sa ‘faute’ : la mort de son frère, la dépression de sa mère.

Il commence à toucher à des sensations, à sentir des éprouvés qu’il ne se connaissait pas : sentiments d’envie envers son frère « qui a eu la chance de vivre plus longtemps avec son père, alors que lui ne l’a pas connu assez ».

Il comprend qu’il a eu longtemps envie de le détruire « pour qu’il n’ait plus ce que lui, n’a pas eu », images qu’il avait occultées depuis sa mort.

Nous lui proposons : « Ce n’est pas juste, tu as plus que moi,  je t’en veux ».

Le travail se fait au présent pour réactualiser les évènements. Le patient finira par énoncer de lui-même : « Je veux que tu meures, je veux tout pour moi » et à sa grande surprise…à l’apaisement d’une colère qu’il s’était interdit jusque-là.

En parallèle, un travail sur l’estime de soi va lui permettre de comprendre que s’il en est là, c’est qu’il a eu suffisamment d’amour pour lui, pour survivre dans cette famille mortifère. L’envie destructrice elle-même était en soi amour de lui-même dans ce qu’elle lui notifiait ce dont il manquait. « C’est parce que je m’aime que je t’en voulais » dira-t-il en s’adressant à son frère…

Travail donc sur les affects primaires, l’émotion qui surgit, le sentiment qui s’installe et l’appropriation de soi par soi.

L’amour reste central dans le travail de la dynamique émotionnelle qui n’hésite pas creuser dans les émotions les plus archaïques, les plus agressives, voire les plus violentes car elles permettront au patient grâce leur expression de se recentrer sur lui, d’aller vers son individuation.

Sans une vision des enjeux archaïques nous passerions facilement à côte des raisons de l’envie destructrice de Michel.

L’interprétation kleinienne de l’envie[4] nous a amené à comprendre le sentiment de culpabilité qui entrainait dépression et envie suicidaire, dans le désir, ignoré par le sujet lui-même, de détruire la trame qui l’unissait à son frère. Trame tissée d’envie plus que de jalousie.

Le patient nous apporte la matière avec laquelle nous le faisons travailler, dans l’instant de la séance. Cependant le thérapeute ne peut pas se contenter d’un ici et maintenant sans avoir un ou deux coup d’avance sur la compréhension de ce qui l’agit de l’intérieur, de ce qui le meut dans ses névroses.

Les diverses théorisations psychanalytique se sont construite sur des observations cliniques en constante évolution. Winnicott, à lui seul a comptabilisé plus de 70 000 heures de cliniques pour énoncer ces concepts qui nous semblent primordiaux pour comprendre les enjeux, au thérapeute de choisir ceux qui lui correspondent.

[1] Donald W. Winnicott, La mère suffisamment bonne, “Petite Bibliothèque Payot”, 2006

[2] Terme introduit par S. Freud qui conçoit le pare-excitation comme un filtre qui permet de limiter les excitations exogènes  qui ne pourraient être déchargées de par leur trop fort impact. Le pare-excitation préserverait notre l’équilibre psychique en filtrant les perception afférente. Une perception trop brutale d’excitations exogènes violentes crée un traumatisme.

[3] Mélanie Klein, Deuil et dépression, Payot, coll. “Petite Bibliothèque Payot”, 2004,

[4] Klein, Envie et gratitude ”(1957), in Envie et gratitude et autres essais, trad. V. Smirnoff, Paris, Gallimard “ Tel ”, 1981 L’envie exprime presque exclusivement un souhait de destruction. L’envie serait l’expression la plus pure des pulsions destructrices.

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