Chez certains adultes, les poussées d’eczéma ou de psoriasis résonnent comme des cris muets du corps, manifestant un vécu interne de rejet. Ces affections cutanées, souvent rebelles aux seuls traitements dermatologiques, s’inscrivent parfois dans une mémoire émotionnelle bien plus ancienne, celle de l’enfance et de ses premières blessures de lien.
La peau, frontière vivante entre soi et le monde
La peau n’est pas qu’un organe. Elle est la première surface de contact, d’échange, mais aussi de séparation. Elle porte l’empreinte des relations primaires — celles nouées avec la mère, le père, ou les figures nourricières. Dans une perspective psychanalytique, elle peut se faire métaphore du moi-peau (Didier Anzieu), support du sentiment d’existence et de cohérence du sujet.
Lorsque cette fonction protectrice ou contenante a été défaillante dans la petite enfance, lorsque l’enfant a fait l’expérience d’un rejet — explicite ou silencieux — la peau peut, des années plus tard, raviver la trace de ce traumatisme précoce par des inflammations chroniques. L’eczéma gratte ce qui n’a pu être dit ; le psoriasis plaque ce qui n’a pu être symbolisé.
Réactions cutanées et mémoire émotionnelle
Nombre de patients évoquent un contexte de tension affective ou de blessure narcissique au moment des poussées : une rupture, une critique perçue comme exclusion, une parole humiliante… Ces épisodes actuels ravivent inconsciemment des scénarios plus anciens, souvent refoulés, liés à un vécu d’indésirabilité ou de honte infantile.
La peau devient alors une scène de théâtre où se rejouent les conflits archaïques. Elle “parle” là où la parole a manqué, là où l’émotion n’a pu être entendue, contenue, validée. Les poussées dermatologiques deviennent ainsi des équivalents somatiques de la souffrance psychique, comme si le corps prenait en charge la fonction de mise en sens.
L’accompagnement en thérapie émotionnelle
La Dynamique Émotionnelle Exprimée (DEE) propose un espace où ces vécus peuvent enfin être reconnus, traversés, mis en mots. En travaillant sur les émotions primaires refoulées, sur les ressentis oubliés du petit enfant que fut le patient, la thérapie permet peu à peu une reliaison affect/représentation, fondement de tout apaisement durable.
Ce chemin thérapeutique n’est pas direct. Il implique d’accueillir la peur, la honte, la tristesse et parfois même la rage, longtemps encapsulées. Mais c’est en les traversant, en les réintégrant dans une narration incarnée, que le sujet peut retrouver une intégrité émotionnelle — et souvent une amélioration de ses symptômes dermatologiques.
Vers une peau réconciliée
Quand le rejet intérieur n’est plus tenu à distance, quand il est rencontré avec bienveillance et compris dans sa dimension archaïque, la peau peut cesser d’être le champ de bataille du non-dit. Elle redevient frontière, oui — mais une frontière souple, vivante, expressive, non plus brûlante de détresse.
Comprendre que ces réactions cutanées ne sont pas des ennemis à combattre, mais des messagers à écouter, transforme le rapport au corps — et, bien souvent, à soi-même.
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