Quand tout est toujours de notre faute
La culpabilité est une émotion universelle. Elle signale une transgression, une erreur, une blessure infligée à autrui – réelle ou supposée. Mais lorsqu’elle devient omniprésente, automatique, injustifiée, elle se transforme en poison psychique. Pourquoi certaines personnes se sentent-elles coupables de tout, même de ce qui ne dépend pas d’elles ?
La culpabilité inconsciente : une tentative de contrôle sur l’amour
Dans les premiers temps de la vie, l’enfant vit dans une dépendance affective totale. Il a besoin d’un environnement suffisamment sécurisant pour s’éprouver comme digne d’amour. Mais lorsque les figures parentales sont absentes, défaillantes ou intrusives, l’enfant internalise le manque comme s’il en était responsable.
« Si maman est triste, c’est à cause de moi. »
« Si papa me rejette, c’est que je ne suis pas assez. »
Cette culpabilité primitive devient un mécanisme d’adaptation : il vaut mieux se sentir coupable (et donc acteur) que totalement impuissant. La culpabilité devient ainsi une manière de maintenir un lien, même au prix de soi.
Quand la culpabilité devient une identité
Certains adultes se sentent systématiquement fautifs, même dans des situations qui ne relèvent pas de leur responsabilité. Ils développent un discours intérieur critique, parfois violent : «Je n’en fais jamais assez», «c’est encore de ma faute», «je mérite ce qui m’arrive».
La culpabilité devient alors un filtre déformant, une identité de survie construite dans l’enfance. Elle régule les relations, évite les conflits, donne un faux sentiment de maîtrise, mais empêche l’affirmation de soi.
Entre culpabilité saine et culpabilité toxique
Il est important de distinguer deux types de culpabilité :
- Culpabilité saine : elle émerge lorsqu’un comportement a blessé un autre. Elle ouvre à la réparation, à la responsabilité, à l’éthique relationnelle.
- Culpabilité pathologique : elle est diffuse, automatique, irréaliste. Elle se déclenche même sans cause réelle et empêche le sujet de s’autoriser à être, à désirer, à poser des limites.
Dans ce second cas, la culpabilité ne parle pas de ce que l’on a fait, mais de ce que l’on croit être. Elle est liée à une honte profonde, à une peur d’être rejeté si l’on affirme sa vérité. Pour aller plus loin, lire aussi Honte enfouie : une blessure invisible.
La thérapie émotionnelle pour sortir de la culpabilité automatique
En Dynamique Émotionnelle Exprimée, le travail thérapeutique commence par identifier l’émotion sous-jacente à la culpabilité : souvent, on y retrouve de la peur, de la tristesse, de la colère réprimée ou du dégoût de soi.
Par le biais du corps et de la parole, le patient peut recontacter l’enfant qu’il a été, celui qui s’est cru responsable du malheur des autres pour préserver le lien. Il peut alors mettre des mots sur ses ressentis, valider ses émotions, déconstruire les injonctions parentales, et réhabiliter son droit d’exister pour lui-même.
Le groupe thérapeutique est souvent un miroir révélateur : voir d’autres porter une culpabilité semblable permet de la nommer, de la replacer dans son histoire, et surtout de s’en désidentifier.
Conclusion : se délester pour se libérer
Se libérer de la culpabilité inconsciente ne signifie pas rejeter toute responsabilité, mais remettre chaque chose à sa juste place. Ce travail permet de retrouver une posture intérieure juste, une responsabilité choisie, et non subie.
Alors, le sujet peut se dire : « Je suis responsable de moi, mais pas de tout ce que les autres ressentent. » Une liberté nouvelle peut émerger : celle d’exister sans s’excuser.
Rdv Lucie Arnulf 06 12 33 13 39