se libérer pour devenir soi
Dans l’enfance, nous construisons notre rapport au monde au travers du prisme familial. La famille, comme premier environnement affectif, transmet non seulement des repères, mais aussi des injonctions implicites ou explicites, souvent profondément ancrées. Ces messages, portés par la parole, les attitudes, les silences ou les attentes, peuvent guider… ou enfermer.
Qu’est-ce qu’une injonction familiale ?
Une injonction familiale est une exigence transmise de manière directe (“sois fort”, “sois parfait”) ou indirecte (“tu as toujours été le sage de la famille”, “ne fais pas de vagues”). Elle peut concerner le comportement, les émotions, les choix de vie, la place dans le groupe familial.
Ces injonctions prennent racine dans :
- le désir inconscient des parents ou des figures d’autorité,
- des valeurs familiales très fortes (réussite, sacrifice, loyauté),
- des traumatismes non élaborés transmis de génération en génération.
Souvent, elles ne sont pas perçues comme des contraintes, mais comme des “évidences”, des vérités sur lesquelles repose l’identité de l’individu.
Quand l’injonction devient aliénation
Suivre certaines injonctions peut rassurer ou sécuriser l’enfant : il se sent aimé parce qu’il répond aux attentes. Mais à l’âge adulte, ces mêmes messages peuvent devenir enfermants, car ils s’opposent aux désirs profonds ou à la singularité du sujet.
Par exemple :
- “Ne te mets jamais en colère” → empêche l’expression émotionnelle et crée des blocages relationnels.
- “Réussis à tout prix” → génère de la pression constante, de l’anxiété ou un perfectionnisme rigide.
- “Sois fort(e)” → pousse à nier sa vulnérabilité, jusqu’à l’épuisement.
L’injonction devient problématique lorsqu’elle parasite la liberté d’être, empêche le choix, le plaisir ou la spontanéité.
Le corps, les émotions et la mémoire familiale
Souvent, les injonctions s’expriment non pas par des mots conscients, mais par le langage du corps : tensions, somatisations, inhibitions, fatigue inexpliquée… Elles sont reliées à des émotions enfouies, parfois refoulées depuis l’enfance, qui continuent d’agir dans l’ombre.
La Dynamique Émotionnelle Exprimée (DEE) travaille précisément à ce niveau : en identifiant ces injonctions à travers les affects, en les nommant, en les travaillant émotionnellement, il devient possible de s’en désidentifier.
L’importance du cadre thérapeutique : reconnaître et transformer
La relation thérapeutique, individuelle ou en groupe, permet de prendre conscience de ces injonctions qui ont structuré le moi, souvent au prix d’une aliénation. Le thérapeute ne juge pas, mais accompagne avec respect le processus de différenciation, de mise à distance, d’autonomie.
En séance de groupe, l’effet miroir est précieux : entendre les injonctions des autres résonne souvent avec les nôtres. Cette reconnaissance partagée soutient un mouvement de libération. On découvre qu’on n’est pas seul à porter ces loyautés invisibles, et qu’il est possible de s’en détacher… sans trahir, mais en se reconstituant soi.
Se libérer n’est pas trahir
Se défaire des injonctions, ce n’est pas rejeter sa famille. C’est sortir de la confusion entre amour et devoir, loyauté et obéissance. C’est reconnaître ce qui nous a été transmis… puis choisir ce que l’on souhaite en faire. C’est transformer l’héritage en conscience, et reprendre sa place de sujet libre.
C’est souvent en rencontrant nos émotions — colère, tristesse, peur, honte — que cette traversée devient possible. Ce passage, parfois douloureux, est aussi une reconnexion : à soi, à sa vérité, à son désir.